« T’es un cliché ! »
Je suis d’origine chinoise, j’ai grandi dans le 13e et mes parents sont restaurateurs.
Quand une collègue, elle-même d’origine chinoise, me réduisit à cette sentence, je n’avais pas compris.
J’ai grandi dans le 13e et j’ai adoré. J’ai adoré ce cocon, j’ai adoré avoir des A Yi, des tatas, partout dans le quartier, s’adonner à leur activité favorite, le commérage. J’ai adoré avoir des cours de chinois à l’école primaire et partager ce que nous faisions à la maison à mes copains français, et faire gouter des gâteaux de lune, toi-même tu sais. J’ai adoré vivre avec mes grands-parents et recevoir les cousins et cousines lors des fêtes traditionnelles, entassés dans les chambres à compter nos hong bao, ces fameuses enveloppes rouges porte-bonheur. J’ai adoré les samedi midi, rentrer à la maison après l’école, dès l’entrée entendre les Eagles dans la sono, et déjeuner d’une soupe de pâtes de riz avec autour de la table, mes parents, mon frère, mes tantes, et mes grands-parents. Ça présageait d’un super week-end. On vivait à 8 dans un 60 m2 et j’adorais ça.
A 16 ans, nous quittons ce cocon asiatique pour une grande banlieue cosmopolite, j’y ai ma chambre à moi, et mes copines ont toutes les yeux bleus ou verts. Pour m’affirmer, je porte fièrement des hauts qui ressemble à des qipao, relançant la mode bien avant Maggie Cheung dans In the Mood for Love. Je suis la copine chinoise, l’élève modèle. Puis vient mon premier voyage en Chine à 18 ans et j’en reviens bouleversée. Non, je ne suis pas chinoise, je ne ressemble pas aux locaux qui me dévisagent dans les centres commerciaux et dans les transports. Je ne m’y sens pas chez moi. Ce ne sont pas mes origines. Ce n’est pas qui je suis. Je me souviens d’avoir écrit dans mon journal intime, « Je ne suis ni française, ni chinoise. Mais alors, je suis quoi ? »
C’est bien plus tard que j’ai trouvé mon identité, ou plutôt embrassé mes origines. La sérénité qui émanait du Laos a adouci mes réflexions tantôt blanches tantôt jaunes. Le bonheur de mes parents de remettre un pied dans les villages dans lesquels ils ont grandi, ou ce qu’il en reste. La résilience dont ils font preuve de retourner dans un pays dans lequel ils sont considérés comme apatrides.
Mon histoire n’était pas complète sans connaitre ni comprendre l’histoire de mes parents, leur trajectoire, les valeurs qui y sont nés, et le courage dont ils font preuve aujourd’hui.
Quelques mois après ce voyage au Laos, j’étais prête à accueillir ma fille et à lui transmettre mon héritage singulier.
Je suis Stéphanie Lieng.
Je suis née en France de parents chinois nés au Laos.
Je suis la première génération née en France dont l’exil ne s’inscrira pas dans l’histoire.
J’aime que l’on remarque ma couleur de peau, que l’on me demande mes origines, parce que oui je parle français avec un accent parisien.
Je suis maman d’une jeune fille dont je suis si fière. Et si elle me le permettait, j’écrirais des pages sur elle.
S’approprier son histoire,
La raconter pour l’affirmer,
Comme une empreinte qui s’ancre dans son identité.